Métaux stratégiques, terres rares: un rapport souligne leur rôle dans les énergies renouvelables

Méconnus mais indispensables, ces composants de high-tech sont des enjeux économiques et géopolitiques, devenus très importants dans les ENR, pointe un rapport parlementaire.

Le Sénat publie le rapport « Les enjeux des métaux stratégiques: le cas des terres rares », signé par les députés Claude Birraux et Christian Kert.(tous deux UMP).

Compte-rendu de tables rondes réunies en mars et d’une réunion du 21 juin de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), ce rapport est riche d’informations. Il souligne l’aspect mouvant de la définition de métal stratégique. Ainsi la crise du palladium en 2000 a-t-elle amené à une substitution rapide, par les constructeurs automobiles, au profit du platine.

On y trouve un état des lieux instructif sur ces métaux méconnus mais employés dans les lampes basse consommation, les batteries, etc.

Claude Birraux, président de l’Opecst, rappelle que de nombreux dirigeants ont pris conscience de l’importance de la question en 2010, lorsqu’un incident de frontière entre la Chine et le Japon a conduit à un embargo chinois menaçant l’activité industrielle nippone.

A l’occasion de cette audition, nous avons constaté que les métaux stratégiques, peu connus du grand public, sont devenus indispensables au développement de nombreuses nouvelles technologies, en raison de propriétés physico-chimiques très spécifiques. C’est le cas pour les énergies renouvelables.

L’éolien peut très difficilement se passer de néodyme, un métal de la famille des terres rares, utilisé dans la fabrication des turbines les plus performantes. C’est tout aussi vrai des panneaux solaires en couche mince, plus performants et plus prometteurs que les panneaux traditionnels à base de silice.

Dans ses conclusions, le rapporteur observe « l’insuffisance et le morcellement de la formation et de la recherche sur les métaux stratégiques », un problème qui affecte l’ensemble de la métallurgie. « Il est significatif que plus aucune école d’ingénieur ne comporte le terme métallurgie dans son intitulé! (…) Cette situation apparaît d’autant plus insatisfaisante que la formation et la recherche en métallurgie perdurent aux Etats-Unis et se développent en Chine comme au Japon. »

Il souligne aussi la nécessite de réduire la dépendance française vis-à-vis de ces métaux, citant les recherches sur le recyclage et les travaux de Rhodia Terres Rares.

« Nous suggérons de compléter les recherches en cours sur le recyclage des métaux stratégiques, par l’étude des possibilités de substitution de ces métaux, à l’égal de ce qui se fait au Japon. »

Claude Birraux estime également que l’éco-conception doit devenir la norme et la traçabilité des produits et alliages utilisant des métaux stratégiques doit être mise en place afin de favoriser le recyclage ».

Recyclage des terres rares, l’idée lumineuse de Rhodia

LA ROCHELLE, Charente-Maritime (Reuters) – Rhodia vient d’investir 15 millions d’euros dans deux unités industrielles en France pour recycler les ampoules basse consommation qui contiennent les métaux précieux issus de six terres rares dont le prix ne cesse d’augmenter.

Selon le groupe Solvay, qui a repris Rhodia en 2011, seule l’usine de La Rochelle produit dans le monde des terres rares issues du recyclage des lampes, qui en tirent leur luminescence.

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Ces terres, 17 éléments naturels d’origine minérale, se trouvent dans nombre de technologies utilisées régulièrement dans la vie courante, comme les pots catalytiques, les écrans LCD, les microprocesseurs et les ampoules à basse consommation.

L’usine Solvay-Rhodia de La Rochelle (Charente-Maritime), née en 1948 sous le nom de Société française de terres rares pour fabriquer des pierres à briquet, peut en produire treize, quatre d’entre elles n’ayant pas d’application industrielle.

Parmi elles, on trouve six terres rares qui se trouvent dans les lampes basse consommation — lanthane, cérium, europium, terbium, gadolinium et yttrium.

C’est d’ailleurs dans cette unité industrielle que deux chercheurs ont trouvé le procédé permettant de les recycler, qui est devenu le projet baptisé Coléop’terre.

« Au prix pratiqué avant les années 2008, le procédé n’était pas suffisamment compétitif pour être développé sur le plan industriel », indique Frédéric Fournet, directeur de l’usine de La Rochelle.

PÉKIN A RESTREINT SES EXPORTATIONS

Mais la situation a changé car la Chine, qui possède environ 25% des réserves mondiales naturelles de terres rares et détenait 98% du marché mondial, a depuis 2009 peu à peu fermé des sites de production et instauré des quotas d’exportation.

Les dirigeants chinois ont ainsi voulu mettre fin aux excès d’un processus qui impliquait une surexploitation des ressources avec une assez faible valeur ajoutée sur leur territoire.

Avant que Solvay-Rhodia ne se lance dans le recyclage, les poudres luminophores se retrouvaient à la décharge.

Le savoir-faire du chimiste et un investissement de 15 millions d’euros ont permis au projet de se concrétiser en 2012, sur les sites de Saint-Fons (Rhône), près de Lyon, et de La Rochelle, où les terres rares sont valorisées.

L’unité rochelaise traite les poudres conditionnées dans l’usine de Saint-Fons, d’où elles sont expédiées en sachets. Avant l’intervention de Solvay, des sociétés spécialisées du monde entier collectent les lampes, en valorisent le verre dont elles sont constituées à 88%, les plastiques, le mercure et les métaux, et envoient les poudres vers l’usine du Rhône.

« Saint-Fons fait un premier tamisage pour éliminer la silice (verre), et ensuite une première opération chimique qui permet de démercuriser la poudre de manière significative. A La Rochelle, nous opérons deux étapes chimiques pour séparer encore les terres rares », indique Frédéric Fournet.

Au bout d’un processus complexe, les terres rares vont être séparées pour un taux de recyclage de l’ordre de 80%.

LE DÉBUT D’UNE AVENTURE

« Le recyclage est un des piliers de notre propre approvisionnement, de notre rentabilité car cela nous permet d’accéder à des prix en dessous de ceux du marché, et il nous permet d’effectuer un travail à façon sur des terres rares impures apportées par des clients », ajoute le directeur.

Dans une usine qui produit 10.000 tonnes de terres rares chaque année pour un marché mondial de 150.000 tonnes, le recyclage représente encore de petites quantités.

« Nous sommes au début du recyclage mais à terme notre objectif est qu’il représente 50% de nos activités de l’électronique », précise le dirigeant.

« Nous sommes dans le top trois mondial sur nos marchés qui concernent la dépollution automobile (produits entrant dans le système catalytique sur les lignes d’échappement-NDLR), et bien sûr l’électronique, notamment l’éclairage des écrans LCD et des téléphones, les vibreurs des téléphones et les micro-condensateurs, et enfin le polissage des micro-composants électroniques », assure Frédéric Fournet.

L’aventure n’en est qu’à son début. Des procédés de recyclage de terres rares s’appliquant à d’autres produits sont à l’étude au sein de la division recherche et développement de La Rochelle, qui emploie 30 chercheurs sur un effectif global dans l’usine de 376 salariés.