Les impacts environnementaux à l’étranger…

Ce qui se passe en Chine…

L’extraction des terres rares et son raffinage ont en effet un terrible coût pour l’environnement : poussières, utilisation de produits chimiques en grande quantité et même radioactivité pour ce qui est du thorium. La Chine est le seul pays à avoir accepté de sacrifier son environnement sur l’autel du profit.

La mine principale de Baotou est à ciel ouvert. On y croise des centaines de camions et de bulldozers géants qui transportent les tonnes de gravats en direction des raffineries. Les mineurs travaillent le plus souvent sans aucune protection, un simple masque leur barre le visage alors que l’air est saturé de poussières métalliques. Le raffinage se passe loin des regards extérieurs. Mais l’on peut voir les boues noires s’échapper des bâtiments et se déverser dans le grand lac du nord de la ville. On est ici à une encablure du fleuve jaune qui alimente en eau une partie du Nord de la Chine. Les digues construites à la hâte sont censées éviter les débordements de ces boues polluantes, mais rien contre les poussières radioactives.

La Chine compte actuellement plus de 300 entreprises dans l’industrie des terres rares. 

Voici un rapide tour d’horizon des principaux impacts environnementaux relevés dans ce pays:

Bayan Obo : extraction de surface d’un mixte bastnaesite-monazite contenant des terres rares légères et du thorium ; problèmes environnementaux sévères et risques pour la santé dans l’extraction, la concentration et les processus suivants :

  • durant la phase de broyage du minerai, 61,8 t/an de poussières contenant du thorium sont émises ; l’exposition prolongée aux poussières de thorium conduisent à une augmentation significative des décès dus au cancer du poumon parmi les travailleurs de la région de Baotou (Chen et al. 2004)
  • de plus, les étangs de stockage des déchets ont causé une pollution des nappes phréatiques qui affecte les puits des villages environnants, l’élevage, l’agriculture et la santé des habitants (Buckley 2010) ; sur 100 000 t de concentrés de terres rares traités par an, on estime qu’environ 200 t d’oxyde de thorium sont présents dans ces boues
  • l’utilisation d’acide sulfurique dans la production d’1 t de concentrés de terres rares peuvent libérer dans l’atmosphère entre 9600 et 12 000 m3 de gaz contenant fluorures, SO2, SO3 et des poussières (MEP 2009)
  • pour finir, 75 m3 d’eaux usées acides et 1 t de résidus radioactifs sont générés par t de concentrés de terres rares (MEP 2009)

Sichuan : autre mine à ciel ouvert produisant des terres rares légères à base de bastnaesite (contenant du thorium également) :

  • la méthode de lixiviation à l’acide chlorhydrique est ici actuellement la plus communément adoptée ; ce traitement produit des effluents et des déchets solides contenant des fluorures et du thorium

Sud de la Chine : mines à adsorption d’ions produisant des terres rares lourdes ; la technique employée, la lixiviation in situ, consiste à forer des trous dans la couche de minerai et y injecter une solution ; on pompe ensuite la solution contenant le minerai dissous puis on effectue le traitement ; cette technique est jugée moins nocive pour l’environnement par les autorités, cependant elle n’est pas contrôlable hydro-géologiquement

 On estime qu’environ 20 000 t de minerai de terres rares ont été illégalement extraits de Chine ; l’essentiel de ces mines illégales n’ont probablement aucune technologie de protection de l’environnement ; de graves dommages environnementaux et des risques pour la santé ont été rapportés.

Lac de Baoutou en Mongolie

Au cours des opérations d’extraction, de séparation et de raffinage des terres rares, de nombreux produits chimiques sont employés, conduisant à des quantités très importantes de rejets gazeux, d’eaux usées et de déchets solides toxiques ; la plupart des installations n’ont pas de systèmes de traitement suffisants et quelques petites installation de séparation des terres rares n’ont aucun système de protection de l’environnement

L’utilisation de l’ammoniaque dans le raffinage des terres rares induit une production importante d’eaux usées ; pour séparer 1 t de concentré de terres rares contenant 92% d’éléments de terres rares, entre 1 t et 1,2 t de bicarbonate d’ammonium sont nécessaires (MEP 2009) ; on estime que dans toute l’industrie du raffinage des terres rares, entre 20 et 25 million de t d’eaux usées sont produites chaque année (sur la base de la production de minerai de terres rares de 2005) ; ces eaux usées contiendraient entre 300 et 5000 mg/l de NH3/NH4+, ce qui excède la limite gouvernementale entre 10 et 200 fois (MEP 2009)

Comment présenter des applications dites « vertes » ou dont l’utilisation aura un effet positif sur l’environnement, quand leur production repose sur l’exploitation de ressources dans des pays qui ne s’embarrassent ni de préoccupations environnementales ni sociales ? Tel est le paradoxe de cette exploitation des lanthanides.

Les conséquences possibles de l’exploitation des terres rares…

Les terres rares étant des sous-produits de ressources minières, l’obtention d’un produit pur est un processus extrêmement long, gourmand en ressources naturelles et polluant.

Destruction de la végétation naturelle et des terres agricoles

L’activité minière pour extraire des terres rares de type ion engendre la destruction du couvert végétal du site ainsi que le décapage de la couche de terre végétale pour atteindre le minerai et extraire les oxydes de terres rares. Une fois le site d’extraction abandonné, aucune végétation naturelle ne subsiste (ce qui favorise le lessivage des sols), seulement des excavations et des déchets. Les sites d’exploitation minière s’implantent naturellement sur de précieuses surfaces agricoles.

Dégradation des sols

L’extraction de chaque tonne d’oxydes de terres rares produit de 1300 à 1600 m3 de déchets d’excavation. Si des mesures de protection de ces quantités importantes de déchets ne sont pas mises en œuvre, des pluies torrentielles sont susceptibles de faire raviner des mélanges de boue et de pierres sur les terres agricoles, envaser les rivières, les bassins, les réservoirs et polluer les ressources en eau. Cette étude montre que l’érosion des sols dans les zones de stockage des déchets est très importante, atteignant 41800 T/m2, ce qui est 50 fois supérieur à ce qu’elle était sous le couvert végétal initial. Pour endiguer ces effets néfastes à l’environnement, une revégétalisation adéquate du site est nécessaire.

Effets sur la qualité de l’eau

L’activité minière pour extraire des terres rares de type ion nécessite l’utilisation de grandes quantités de sulfate d’ammonium et d’acide oxalique. Pour produire une tonne d’oxydes de terres rares, il est nécessaire d’employer de 6 à 7 tonnes de sulfate d’ammonium et de 1,2 à 1,5 tonnes d’acide oxalique. Les boues générées par les déchets de cette activité minière absorbant une part importante de ces solutions d’extraction, des eaux acides suintent constamment des sites de stockage des déchets, ce qui modifie le pH, augmente l’oxygène consommée chimiquement et envase des eaux de la rivière voisine, qu’il pleuve ou non.

Production de déchets radioactifs

L’augmentation de la demande en terres rares conduit à l’extraction d’éléments lourds de terres rares à partir de la Bastnaésite et de la Monazite ce qui a pour effet de libérer d’importantes quantités d’éléments radioactifs. Un cas emblématique fut celui de la rafinerie de terres rares de Bukit Merah en Malaisie exploitée pour le compte de Mitsubishi entre 1982 et sa fermeture en 1992 suite à l’apparition de nombreux cas de leucémies et de naissances avec malformations. La mise en décharge illégale des déchets radioactifs de la rafinerie est la cause de ces impacts sur la santé des populations locales. La décontamination ne commencera qu’en 2003. Mais début 2012, des taux anormalement élevés de radioactivité ont été relevé sur le site et ses alentours.
Ce n’est pas le cas dans les argiles contenant des terres rares à « ion-absorption » (comme dans le sud de la Chine) qui ne contiennent pas d’éléments radioactifs. Il est recommandé aux autres pays de pousser leurs investigations dans ce type de support argileux ou de prévoir dans toutes les étapes du processus d’extraction, de séparation et de remise en état des sols, un traitement prenant en compte ces déchets radioactifs.

Les effets sur la santé

Pour ce qui est de l’aspect santé, une brochure de l’INRS (infosud.org) (Institut National de Recherche et de Sécurité) sur l’exposition professionnelle aux poussières de terres rares montre que l’exposition aux poussières issues de l’exploitation de ces minerais peut être susceptible d’entrainer des pathologies pulmonaires si des précautions ne sont pas prises pour limiter le niveau de poussière sur le lieu de travail. Le peu d’études et de recul sur l’exploitation des terres rares entraînerait dans nos pays des mesures préventives relevant du principe de précaution. Comme nous l’avons vu plus haut, l’utilisation d’eau contaminée par l’activité minière d’extraction ou de séparation des terres rares peut également avoir de graves conséquences pour la santé (leucémie, malformations). La meilleure preuve est que les autorités chinoises en interdisent complètement l’usage dans les zones concernées.

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