Métaux Stratégiques: France-Chine et Intelligence Economique à Fragmentation

L’IE à Fragmentation (IEF) était fondée par la production et le commerce des matières premières. Les métaux stratégiques utilisent-ils cette IEF en France ou en Chine ?

 Trois grandes familles d’intelligences économiques liées entre-elles forment l’Intelligence Economique à Fragmentation (IEF): intelligences économiques défensive, offensive et thématique.

Les utilisations française et chinoise de l’IEF sont-elles comparables ? Comment identifier les matières premières vraiment stratégiques pour les acteurs industriels?

Quelle différence entre matières premières critique – qui intègre une dimension évolutive – et stratégique, intégrant un aspect de souveraineté pour un Etat, sujet ô combien d’actualité?

L’exemple des terres rares illustre-t-il la difficulté pour les entreprises à adapter leur stratégie, au concept d’une consommation compétitive ?

Au-delà de la capacité à développer des solutions de substitution, la prise en compte des intérêts des entreprises légitime au niveau de l’Etat annonce-t-elle la conduite d’une politique publique de sécurisation des approvisionnements? Ce qui ne signifie pas nécessairement indépendance d’approvisionnement mais bien plutôt d’éviter de dépendre d’un nombre limité de fournisseurs.

Faut il exclure la renaissance d’une industrie minière sur le sol national en dépit que la France n’a pas développé de prospection de ces métaux rares, n’a aucun projet d’ampleur dans ce domaine, alors que des géants miniers se sont développés dans diverses parties du monde. Sans ces métaux critiques et stratégiques comment imaginer notre industrie de demain ?

Chinois, maîtres des métaux rares

« Chinois, maîtres des métaux rares« , de « RTL le matin ».

 Datant de novembre 2010, ce reportage traite de la crise des métaux rares chinois. On y décris que les chinois ont réalisé l’intérêt stratégique qu’ils ont entre les mains en raison de leur quasi-monopole sur la production de ces minéraux qui sont maintenant incontournables dans la fabrication des objets de haute-technologie… y compris dans le domaine des énergies vertes.

La journaliste décrit très bien les raisons de ce quasi-monopole chinois: Les métaux rares sont présents tout autour du globe, mais seuls les chinois ont accepté l’imposante pollution que leur extraction entraîne!

 

 

 

 

Terres rares : la high-tech à quel prix?

Durant des siècles, néodyme, yttrium ou lanthane paraissaient sans valeur. Aujourd’hui, ces métaux appelés terres rares sont indispensables à la fabrication des smartphones, éoliennes et autres véhicules hybrides. Mais leur extraction demeure coûteuse et polluante. Smartphones, éoliennes, véhicules hybrides ou électriques, toutes les technologies qui nous entourent contiennent des terres rares. Durant des siècles, néodyme, yttrium, dysprosium ou lanthane paraissaient sans valeur ; nous ignorions tout de leurs propriétés — et même jusqu’à leur existence. Aujourd’hui, ce groupe de métaux difficiles à détecter constitue une matière première plus précieuse que le pétrole et représente un marché juteux, en particulier pour la Chine qui extrait la quasi-totalité de ces minerais indispensables à notre avenir. Mais les processus de séparation pour obtenir des métaux de grande pureté demeurent énergivores et extrêmement polluants — et produisent pour certains des déchets radioactifs. Un comble, lorsqu’on sait que la plupart des énergies renouvelables ont recours aux terres rares… Pourtant, personne ne semble prêt à y renoncer : les chercheurs se mettent ainsi en quête de moyens d’extraction plus propres, ou de procédés de recyclage des terres rares contenues dans les déchets industriels. De la Chine à la Saxe, en passant par la mine de Mountain Pass en Californie, ce documentaire dévoile les enjeux environnementaux, économiques et technologiques de cette industrie en plein essor.

Documentaire de Christian Schidlowski (52mn – Allemagne, 2013) :

Terres rares : le nouvel or noir ?

Sans elles, pas d’écrans plats, de disques durs, de smartphones, de moteurs hybrides ou de panneaux solaires. A quoi servent ces métaux si convoités ? Ou les trouve-t-on ? Quels sont les enjeux de la domination chinoise dans cette industrie des terres rares ?

Les terres rares : définition

Terres rares : le nouvel or noir ?

Très convoitées, les terres rares sont un groupe de 17 métaux dont le lanthane, l’yttrium et le néodyme.

A faible teneur, on les retrouve dans les téléphones portables, les disques d’ordinateur, les systèmes de navigation, et les technologies vertes (pots catalytiques, moteurs électriques, éolien). C’est la raison pour laquelle ces minéraux sont si stratégiques. Cela représentait en 2011 un marché de 128.000 tonnes et de 1,25 milliard de dollars.

Contrairement à ce que leur nom laisse penser, ces terres ne sont pas ‘rares’. Elles sont même plutôt abondantes, dans des concentrations variées, dans toute l’écorce terrestre. En revanche, elles sont difficiles à extraire et à raffiner. Leur extraction, très polluante, est essentiellement concentrée en Chine.

Les terres rares au coeur d’une guerre économique

Terres rares : le nouvel or noir ?

La Chine ne dispose que du tiers des réserves mondiales connues mais contrôle 95% de la production de terres rares.

La concentration actuelle des mines dans ce pays, autour de la Mongolie Intérieure, s’explique par le fait que leur extraction est gourmande en main-d’oeuvre, coûteuse (40 dollars le kilo en moyenne) et conduit à l’accumulation de sous-produit toxiques, notamment radioactifs, incompatibles avec les législations occidentales. Une des principales raisons qui ont peu à peu conduit de nombreux pays, dont les Etats-Unis, à abandonner l’extraction de ces métaux.

Après être parvenue à s’assurer une situation de quasi monopole, la Chine en a profité pour imposer des quotas d’exportation qui mettent à mal les besoins des industries occidentales. La dépendance des Occidentaux a été illustrée de manière spectaculaire en 2010 quand le Japon a accusé Pékin d’avoir suspendu ses livraisons en représailles à un incident maritime. Une situation qui a poussé l’Europe, les Etats-Unis et le Japon a déposer une plainte devant l’OMC contre Pékin, les partenaires commerciaux de la Chine l’accusant de chercher à faire monter les prix et de forcer les entreprises étrangères du secteur à se relocaliser en Chine pour gagner un accès aux terres rares (pour plus d’informations, consultez les liens ci-dessous) :

Cette stratégie semble aujourd’hui se retourner contre la Chine. La production mondiale est repartie à la hausse, et les cours se sont effondrés en 2012. L’oxyde de néodymium (utilisé pour les aimants) a perdu 45 %, le cérium (polissage de verre optique, filtres à particules, téléviseurs) a chuté de 38 %, le terbium (écran à rayon X, piles à combustible) de 46 % et le dysprosium de 65 % (aimants, ampoules, disques durs…). Au mois d’octobre, la Chine a annoncé qu’elle freinait sa production de terres rares pour lutter contre la déprime des cours.

Les alternatives

Face au quasi-monopole de la Chine, des pays ont relancé l’exploration et ont rouvert d’anciennes mines, jadis non rentables, notamment celle de Mountain Pass, en Californie, qui fournissait encore en 1984 le tiers du volume mondial de terres rares. Mais elles mettront des années à être opérationnelles. En Malaisie, à Kuantan, des terres rares sont importées d’Australie par l’entreprise Lynas pour être séparées et purifiées dans une usine de traitement. D’autres projets voient le jour au Kirghizistan, en Afrique du Sud, au Canada ou au Groenland.

Un pays comme le Japon, qui importait 90 % de ses terres rares de Chine en 2009, en importait moins de 50 % au premier semestre 2012. Explorations de réserves dans le sous-sol du Pacifique, recyclage des produits high-tech… le Japon envisage toutes les solutions pour réduire la ‘dépendance minérale’ de ses industriels vis-à-vis des terres rares importées de Chine.

En avril, le conglomérat industriel japonais Hitachi a présenté un moteur électrique dépourvu de ‘terres rares’. D’autres groupes, dont le constructeur d’automobiles Toyota, travaillent sur des projets similaires.

Pour réduire leur dépendance, certaines entreprises commencent à se pencher sur le recyclage. En France, le chimiste Solvay a inauguré au mois d’octobre un atelier de recyclage sur son site de Saint-Fons. Complémentaire d’une installation à La Rochelle, il lui permet de récupérer des terres rares qui alimentent ses propres productions. Un investissement global de 15 millions d’euros.

Les impacts environnementaux à l’étranger…

Ce qui se passe en Chine…

L’extraction des terres rares et son raffinage ont en effet un terrible coût pour l’environnement : poussières, utilisation de produits chimiques en grande quantité et même radioactivité pour ce qui est du thorium. La Chine est le seul pays à avoir accepté de sacrifier son environnement sur l’autel du profit.

La mine principale de Baotou est à ciel ouvert. On y croise des centaines de camions et de bulldozers géants qui transportent les tonnes de gravats en direction des raffineries. Les mineurs travaillent le plus souvent sans aucune protection, un simple masque leur barre le visage alors que l’air est saturé de poussières métalliques. Le raffinage se passe loin des regards extérieurs. Mais l’on peut voir les boues noires s’échapper des bâtiments et se déverser dans le grand lac du nord de la ville. On est ici à une encablure du fleuve jaune qui alimente en eau une partie du Nord de la Chine. Les digues construites à la hâte sont censées éviter les débordements de ces boues polluantes, mais rien contre les poussières radioactives.

La Chine compte actuellement plus de 300 entreprises dans l’industrie des terres rares. 

Voici un rapide tour d’horizon des principaux impacts environnementaux relevés dans ce pays:

Bayan Obo : extraction de surface d’un mixte bastnaesite-monazite contenant des terres rares légères et du thorium ; problèmes environnementaux sévères et risques pour la santé dans l’extraction, la concentration et les processus suivants :

  • durant la phase de broyage du minerai, 61,8 t/an de poussières contenant du thorium sont émises ; l’exposition prolongée aux poussières de thorium conduisent à une augmentation significative des décès dus au cancer du poumon parmi les travailleurs de la région de Baotou (Chen et al. 2004)
  • de plus, les étangs de stockage des déchets ont causé une pollution des nappes phréatiques qui affecte les puits des villages environnants, l’élevage, l’agriculture et la santé des habitants (Buckley 2010) ; sur 100 000 t de concentrés de terres rares traités par an, on estime qu’environ 200 t d’oxyde de thorium sont présents dans ces boues
  • l’utilisation d’acide sulfurique dans la production d’1 t de concentrés de terres rares peuvent libérer dans l’atmosphère entre 9600 et 12 000 m3 de gaz contenant fluorures, SO2, SO3 et des poussières (MEP 2009)
  • pour finir, 75 m3 d’eaux usées acides et 1 t de résidus radioactifs sont générés par t de concentrés de terres rares (MEP 2009)

Sichuan : autre mine à ciel ouvert produisant des terres rares légères à base de bastnaesite (contenant du thorium également) :

  • la méthode de lixiviation à l’acide chlorhydrique est ici actuellement la plus communément adoptée ; ce traitement produit des effluents et des déchets solides contenant des fluorures et du thorium

Sud de la Chine : mines à adsorption d’ions produisant des terres rares lourdes ; la technique employée, la lixiviation in situ, consiste à forer des trous dans la couche de minerai et y injecter une solution ; on pompe ensuite la solution contenant le minerai dissous puis on effectue le traitement ; cette technique est jugée moins nocive pour l’environnement par les autorités, cependant elle n’est pas contrôlable hydro-géologiquement

 On estime qu’environ 20 000 t de minerai de terres rares ont été illégalement extraits de Chine ; l’essentiel de ces mines illégales n’ont probablement aucune technologie de protection de l’environnement ; de graves dommages environnementaux et des risques pour la santé ont été rapportés.

Lac de Baoutou en Mongolie

Au cours des opérations d’extraction, de séparation et de raffinage des terres rares, de nombreux produits chimiques sont employés, conduisant à des quantités très importantes de rejets gazeux, d’eaux usées et de déchets solides toxiques ; la plupart des installations n’ont pas de systèmes de traitement suffisants et quelques petites installation de séparation des terres rares n’ont aucun système de protection de l’environnement

L’utilisation de l’ammoniaque dans le raffinage des terres rares induit une production importante d’eaux usées ; pour séparer 1 t de concentré de terres rares contenant 92% d’éléments de terres rares, entre 1 t et 1,2 t de bicarbonate d’ammonium sont nécessaires (MEP 2009) ; on estime que dans toute l’industrie du raffinage des terres rares, entre 20 et 25 million de t d’eaux usées sont produites chaque année (sur la base de la production de minerai de terres rares de 2005) ; ces eaux usées contiendraient entre 300 et 5000 mg/l de NH3/NH4+, ce qui excède la limite gouvernementale entre 10 et 200 fois (MEP 2009)

Comment présenter des applications dites « vertes » ou dont l’utilisation aura un effet positif sur l’environnement, quand leur production repose sur l’exploitation de ressources dans des pays qui ne s’embarrassent ni de préoccupations environnementales ni sociales ? Tel est le paradoxe de cette exploitation des lanthanides.

Le recyclage des terres rares, un enjeu stratégique

Elles font aujourd’hui partie des métaux les plus précieux. Les terres rares, ce groupe de 17 minerais qui se nomment terbium, néodyme ou yttrium, s’avèrent très convoitées car indispensables à la production de la plupart des produits de haute technologie — ordinateurs, téléphones portables, écrans plats, éoliennes ou batteries des voitures électriques

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Contrairement à ce que laisse entendre leur nom, elles ne sont pas si rares, puisqu’il existe de nombreux gisements de par le monde, mais leurs stocks sont finis et leur extraction est difficile, coûteuse et extrêmement polluante. Surtout, elles sont le monopole de la Chine, qui détient 37 % des réserves mondiales mais contrôle 97 % de leur exploitation et réduit chaque année les quotas d’exportation. Or, la demande mondiale augmente chaque année de 6 %, mettant le marché sous pression.

L’enjeu, aujourd’hui, est donc pour les pays de sécuriser leur approvisionnement à des prix raisonnables et limiter l’impact de la raréfaction des terres rares au niveau mondial. Trois moyens existent : réduire leur utilisation, diversifier les sources en exploitant des mines en dehors de la Chine et recycler ces minerais.

 C’est la troisième piste que cherche à développer la France, qui ne possède aucune mine de terres rares. Début 2012, le groupe chimique Rhodia rendra ainsi opérationnel, dans son usine de La Rochelle, un nouveau procédé, sur lequel il travaille depuis dix ans, permettant de recycler ces métaux.

L’objectif sera, dans un premier temps, de réutiliser les poudres luminophores qui recouvrent l’intérieur des lampes basse consommation (LBC) et qui contiennent plusieurs terres rares : terbium, yttrium, europium, gadolinium, lanthane et cérium. Pour l’instant, cette poudre est isolée et mise en décharge, lorsque les ampoules arrivent en fin de vie, alors que le reste des composants – verre, plastique, cuivre et aluminium – sont valorisés. Or, le terbium et l’yttrium font partie des terres rares les plus difficiles à trouver, les plus demandées et donc les plus chères (le terbium a ainsi vu son prix passer de 600 à 4 000 dollars le kilo en seulement deux ans). Au rythme actuel de consommation, leur approvisionnement sera critique d’ici 2014, estime, dans un rapport, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie.

« Grâce à ce nouveau procédé de récupération et de séparation des terres rares, il sera possible d’extraire 17 tonnes de ces minerais, dont 15 tonnes d’yttrium, 1 tonne de terbium et 1 tonne d’europium, sur les 4 000 tonnes de lampes fluocompactes que nous recyclons », détaille Hervé Grimaud, directeur général de Récylum, l’éco-organisme en charge de l’élimination des lampes usagées. Et cette quantité pourrait considérablement augmenter si les LBC étaient davantage triées. Car aujourd’hui, seulement un tiers de ces lampes sont ramenées dans les 19 000 points de collecte que compte le territoire.

Pour augmenter ce taux de recyclage, Récylum a réalisé une opération de communication, ce lundi 17 octobre, en érigeant un faux chantier d’exploitation minière en plein cœur du quartier d’affaires de La Défense. Une mine urbaine qui s’est avérée être, une fois les barrières tombées, une boîte géante pour recycler les lampes basse consommation. Le message est clair : le plus grand gisement de métaux rares qui existe en France se trouve aujourd’hui dans nos bureaux. Une fois récupérés, les débouchés de ces minerais seront les mêmes qu’actuellement : la catalyse automobile, l’industrie verrière, les alliages métalliques, lampes ou aimants permanents.

Après la mise en place de cette filière pour les lampes, ce sera au tour des terres rares contenues dans les batteries rechargeables et les aimants des voitures électriques et des disques durs de pouvoir être recyclées, sans doute au cours de l’année 2012.

Une question se pose toutefois : le recyclage, s’il est nécessaire, sera-t-il suffisant pour faire face à la demande galopante des pays développés ? « Non, le recyclage ne pourra remplir qu’une petite partie de la demande en terres rares dans les années à venir », assure John Seaman, chercheur à l’Institut français des relations internationales, spécialiste de la politique énergétique en Chine et des terres rares. Car si les lampes fluocompactes utilisent des quantités infimes de terres rares, il n’en est pas de même pour d’autres produits technologiques. Un moteur de Prius nécessite par exemple 1 kilo de néodyme pour ses aimants. Les éoliennes offshore, elles, consomment 600 kilos par turbine pour améliorer leur fonctionnement tout en diminuant les coûts de maintenance.

« Il faut donc, dans le même temps, trouver des approvisionnements en dehors de la Chine, utiliser ces minerais de façon plus efficace et leur trouver des substituts », précise le chercheur. C’est pourquoi des entreprises commencent à développer des alternatives à l’utilisation de terres rares. Dans le secteur automobile, Toyota cherche ainsi à développer pour ses voitures hybrides, un moteur à induction sans aimant. Dans l’énergie, General Electrics a annoncé en août la mise en place d’une turbine pour éolienne moins gourmande en terres rares. Mais ces produits sont encore loin de voir le jour.