Terres rares : la high-tech à quel prix?

Durant des siècles, néodyme, yttrium ou lanthane paraissaient sans valeur. Aujourd’hui, ces métaux appelés terres rares sont indispensables à la fabrication des smartphones, éoliennes et autres véhicules hybrides. Mais leur extraction demeure coûteuse et polluante. Smartphones, éoliennes, véhicules hybrides ou électriques, toutes les technologies qui nous entourent contiennent des terres rares. Durant des siècles, néodyme, yttrium, dysprosium ou lanthane paraissaient sans valeur ; nous ignorions tout de leurs propriétés — et même jusqu’à leur existence. Aujourd’hui, ce groupe de métaux difficiles à détecter constitue une matière première plus précieuse que le pétrole et représente un marché juteux, en particulier pour la Chine qui extrait la quasi-totalité de ces minerais indispensables à notre avenir. Mais les processus de séparation pour obtenir des métaux de grande pureté demeurent énergivores et extrêmement polluants — et produisent pour certains des déchets radioactifs. Un comble, lorsqu’on sait que la plupart des énergies renouvelables ont recours aux terres rares… Pourtant, personne ne semble prêt à y renoncer : les chercheurs se mettent ainsi en quête de moyens d’extraction plus propres, ou de procédés de recyclage des terres rares contenues dans les déchets industriels. De la Chine à la Saxe, en passant par la mine de Mountain Pass en Californie, ce documentaire dévoile les enjeux environnementaux, économiques et technologiques de cette industrie en plein essor.

Documentaire de Christian Schidlowski (52mn – Allemagne, 2013) :

Terres rares : propriétés, usages et types de gisement

Les éléments de terres rares (ETR) regroupent 17 éléments chimiques relativement abondants dans la croûte terrestre : les lanthanides (15 éléments, numéros atomiques 57 à 71), en plus du scandium et de l’yttrium.

Les ETR sont subdivisés en deux groupes, soit les terres rares légères, les plus abondantes, et les terres rares lourdes, les moins abondantes. Dans la nature, on trouve généralement les ETR agglomérés dans certains types de roches et de minerais.

Les principaux minéraux de terres rares sont la bastnaésite, la monazite, la xénotime, la parisite. Chaque minéral présente un contenu différent en terres rares. Pour séparer les éléments de terres rares, plusieurs phases de concentration minérale, d’attaque aux acides, de chloration, d’extraction par solvant, de précipitation sélective et de dissolution sont nécessaires. Des oxydes purs (à plus de 99 %) sont ensuite utilisés pour la fabrication des divers produits.

Usages

Les ETR ont commencé à être utilisés à grande échelle au cours des années 50, à la suite de la découverte de méthodes efficaces de séparation des différents éléments.

Les ETR sont utilisés dans une multitude d’applications, notamment dans le raffinage du pétrole, la fabrication de verres, de céramiques, de batteries rechargeables, d’éoliennes, de baladeurs numériques. Ils sont utilisés également dans la fabrication d’écrans de téléviseurs et d’ordinateurs, d’ampoules lumineuses ultra-efficaces, de systèmes de radar, de convertisseurs catalytiques, de superconducteurs et d’aimants permanents (notamment utilisés dans les moteurs électriques). En général, les usages sont très spécifiques.

En raison de leurs propriétés uniques, l’avenir des ETR est prometteur, particulièrement dans le domaine de la haute technologie.

Types de gisements

On distingue plusieurs types de gisements de terres rares :

  • les gisements associés aux carbonatites;
  • les gisements associés aux complexes intrusifs peralcalins;
  • les gisements associés aux formations de fer (type fer-oxydes);
  • les gisements associés à des dépôts alluviaux (placers);
  • les gisements associés à des veines métasomatiques;
  • les gisements associés aux complexes intrusifs hyperalcalins.

Gisements associés aux carbonatites

De nombreuses carbonatites sont enrichies en minéraux de terres rares. Ces carbonatites forment des massifs intrusifs de petite dimension (3 à 5 km) à l’intérieur des complexes alcalins. Elles sont enrichies principalement en terres rares légères (Castor, 2008). La minéralisation en terres rares se trouve au cœur de la carbonatite ou dans des filons, des réseaux de veines ou d’amas à l’extérieur de la carbonatite.

Les minéralisations en terres rares des gisements de Mountain Pass, Bear Lodge (États-Unis), Bayan Obo (Chine), Palabora (Afrique du Sud) ainsi que d’Oka et de Saint-Honoré (Canada) sont encaissées dans des intrusions de carbonatite.

Gisements associés aux complexes intrusifs peralcalins

Plusieurs dépôts sont associés à des roches ignées peralcalines (granite, pegmatite granitique, syénite). Ce sont des gisements de gros volumes, mais de faible teneur. Ils sont, en général, enrichis en terres rares lourdes comme l’yttrium et le zirconium et certains dépôts peuvent renfermer du béryllium, du niobium et du tantale.

Les gisements de terres rares associés aux roches ignées peralcalines sont notamment ceux de Thor Lake (Territoires du Nord-Ouest, Canada), Lackner Lake (Ontario, Canada), Strange Lake et Kipawa (Québec, Canada) ainsi que Mountain Pajarito (États-Unis).

Gisements associés aux formations de fer (type fer-oxydes)

Des minéralisations en cuivre-or-oxydes de fer contiennent aussi des ETR, de l’yttrium et de l’uranium. Ces gisements hydrothermaux, riches en magnétite, sont souvent associés au magmatisme felsique. Les ETR sont exploités à titre de sous-produits de l’extraction du fer, du cuivre et de l’or.

Les minéralisations en terres rares associées aux formations de fer comprennent les gisements Olympic Dam (Australie), Bayan Obo (Chine), Salobo (Brésil), Pea Ridge (Missouri, États-Unis), Kwyjibo (Québec, Canada).

Gisements associés à des dépôts alluviaux (placers)

Des concentrations à caractère économique de terres rares peuvent se trouver dans des dépôts alluviaux. La plupart de ces dépôts sont d’âge tertiaire ou quaternaire. Ils sont issus de la dégradation de roches granitiques ou de roches métamorphiques de haut grade et de la concentration des minéraux lourds. Des placers d’âge précambrien contiennent aussi des minéralisations en terres rares. En certains endroits, le minerai de terres rares est exploité comme sous-produit de l’extraction de minerais d’ilménite et de zircon.

Les minéralisations en terres rares associées aux placers comprennent entre autres les dépôts d’Oak Grove (Idaho, États-Unis), de Hilton Head Island (Caroline, États-Unis), d’Elliot Lake et de Bald Mountain (Ontario, Canada).

Gisements associés à des veines métasomatiques

Des minéralisations en terres rares se trouvent également dans des réseaux de veines qui recoupent des roches alcalines. Dans certains cas, il s’agit de veines de quartz-carbonate-fluorite-parisite d’origine hydrothermale tandis que, dans d’autres, ce sont des veines de roches ultramafiques ou des dykes de lamprophyre (Harvey et coll., 2002). Les minéralisations sont, en général, enrichies en terres rares légères et en yttrium.

Les minéralisations en terres rares associées aux veines sont notamment celles de Lemhi Pass et de Powderhorn (États-Unis) et d’Hoidas Lake (Saskatchewan, Canada). Au moins deux mines associées à des veines de baestnasite-barite-carbonate dans une syénite à quartz sont connues en Chine.

Gisements associés aux complexes intrusifs hyperalcalins

Les complexes intrusifs hyperalcalins (syénite à néphéline, syénogabbro, phonolite) peuvent renfermer des éléments de terres rares comme substances économiques principales, mais aussi afficher des teneurs intéressantes en tantale et en niobium .

La minéralisation en tantale-niobium et terres rares du gisement de Motzfeldt Centre, dans le sud du Groenland, est un cas typique de minéralisations associées aux complexes intrusifs hyperalcalins.

Terres rares : le nouvel or noir ?

Sans elles, pas d’écrans plats, de disques durs, de smartphones, de moteurs hybrides ou de panneaux solaires. A quoi servent ces métaux si convoités ? Ou les trouve-t-on ? Quels sont les enjeux de la domination chinoise dans cette industrie des terres rares ?

Les terres rares : définition

Terres rares : le nouvel or noir ?

Très convoitées, les terres rares sont un groupe de 17 métaux dont le lanthane, l’yttrium et le néodyme.

A faible teneur, on les retrouve dans les téléphones portables, les disques d’ordinateur, les systèmes de navigation, et les technologies vertes (pots catalytiques, moteurs électriques, éolien). C’est la raison pour laquelle ces minéraux sont si stratégiques. Cela représentait en 2011 un marché de 128.000 tonnes et de 1,25 milliard de dollars.

Contrairement à ce que leur nom laisse penser, ces terres ne sont pas ‘rares’. Elles sont même plutôt abondantes, dans des concentrations variées, dans toute l’écorce terrestre. En revanche, elles sont difficiles à extraire et à raffiner. Leur extraction, très polluante, est essentiellement concentrée en Chine.

Les terres rares au coeur d’une guerre économique

Terres rares : le nouvel or noir ?

La Chine ne dispose que du tiers des réserves mondiales connues mais contrôle 95% de la production de terres rares.

La concentration actuelle des mines dans ce pays, autour de la Mongolie Intérieure, s’explique par le fait que leur extraction est gourmande en main-d’oeuvre, coûteuse (40 dollars le kilo en moyenne) et conduit à l’accumulation de sous-produit toxiques, notamment radioactifs, incompatibles avec les législations occidentales. Une des principales raisons qui ont peu à peu conduit de nombreux pays, dont les Etats-Unis, à abandonner l’extraction de ces métaux.

Après être parvenue à s’assurer une situation de quasi monopole, la Chine en a profité pour imposer des quotas d’exportation qui mettent à mal les besoins des industries occidentales. La dépendance des Occidentaux a été illustrée de manière spectaculaire en 2010 quand le Japon a accusé Pékin d’avoir suspendu ses livraisons en représailles à un incident maritime. Une situation qui a poussé l’Europe, les Etats-Unis et le Japon a déposer une plainte devant l’OMC contre Pékin, les partenaires commerciaux de la Chine l’accusant de chercher à faire monter les prix et de forcer les entreprises étrangères du secteur à se relocaliser en Chine pour gagner un accès aux terres rares (pour plus d’informations, consultez les liens ci-dessous) :

Cette stratégie semble aujourd’hui se retourner contre la Chine. La production mondiale est repartie à la hausse, et les cours se sont effondrés en 2012. L’oxyde de néodymium (utilisé pour les aimants) a perdu 45 %, le cérium (polissage de verre optique, filtres à particules, téléviseurs) a chuté de 38 %, le terbium (écran à rayon X, piles à combustible) de 46 % et le dysprosium de 65 % (aimants, ampoules, disques durs…). Au mois d’octobre, la Chine a annoncé qu’elle freinait sa production de terres rares pour lutter contre la déprime des cours.

Les alternatives

Face au quasi-monopole de la Chine, des pays ont relancé l’exploration et ont rouvert d’anciennes mines, jadis non rentables, notamment celle de Mountain Pass, en Californie, qui fournissait encore en 1984 le tiers du volume mondial de terres rares. Mais elles mettront des années à être opérationnelles. En Malaisie, à Kuantan, des terres rares sont importées d’Australie par l’entreprise Lynas pour être séparées et purifiées dans une usine de traitement. D’autres projets voient le jour au Kirghizistan, en Afrique du Sud, au Canada ou au Groenland.

Un pays comme le Japon, qui importait 90 % de ses terres rares de Chine en 2009, en importait moins de 50 % au premier semestre 2012. Explorations de réserves dans le sous-sol du Pacifique, recyclage des produits high-tech… le Japon envisage toutes les solutions pour réduire la ‘dépendance minérale’ de ses industriels vis-à-vis des terres rares importées de Chine.

En avril, le conglomérat industriel japonais Hitachi a présenté un moteur électrique dépourvu de ‘terres rares’. D’autres groupes, dont le constructeur d’automobiles Toyota, travaillent sur des projets similaires.

Pour réduire leur dépendance, certaines entreprises commencent à se pencher sur le recyclage. En France, le chimiste Solvay a inauguré au mois d’octobre un atelier de recyclage sur son site de Saint-Fons. Complémentaire d’une installation à La Rochelle, il lui permet de récupérer des terres rares qui alimentent ses propres productions. Un investissement global de 15 millions d’euros.