Perspectives futures pour le recyclage des terres rares

L’ADEME a identifié les principaux freins au recyclage des terres rares et des métaux précieux. En retour, les actions proposées pour lever ces freins s’articulent autour des quatre axes suivants :

  • « Agir en amont de la chaîne de recyclage » : Favoriser l’éco-conception en facilitant la séparation des composants afin qu’ils puissent subir un traitement spécifique (Accumulateurs, aimants). Impliquer les producteurs pour la recherche de solutions de recyclage pour des produits qui peuvent être spécifiques et dont la composition varie selon les producteurs (ex : les LED).
  • « Mobiliser le gisement » : Il pourra être envisagé d’élargir le champ des produits collectés mais aussi de séparer certains produits pour les traiter de manière spécifique (ex : écrans LCD).
  • « Orienter et soutenir la R&D » : Améliorer les techniques disponibles et développer de nouvelles techniques de recyclage pour les métaux qui ne disposent pas encore de techniques de recyclage.
  • « Activer le recyclage » : Selon deux méthodes complémentaires : l’obligation réglementaire et les incitations financières.

Recyclage des terres rares, l’idée lumineuse de Rhodia

LA ROCHELLE, Charente-Maritime (Reuters) – Rhodia vient d’investir 15 millions d’euros dans deux unités industrielles en France pour recycler les ampoules basse consommation qui contiennent les métaux précieux issus de six terres rares dont le prix ne cesse d’augmenter.

Selon le groupe Solvay, qui a repris Rhodia en 2011, seule l’usine de La Rochelle produit dans le monde des terres rares issues du recyclage des lampes, qui en tirent leur luminescence.

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Ces terres, 17 éléments naturels d’origine minérale, se trouvent dans nombre de technologies utilisées régulièrement dans la vie courante, comme les pots catalytiques, les écrans LCD, les microprocesseurs et les ampoules à basse consommation.

L’usine Solvay-Rhodia de La Rochelle (Charente-Maritime), née en 1948 sous le nom de Société française de terres rares pour fabriquer des pierres à briquet, peut en produire treize, quatre d’entre elles n’ayant pas d’application industrielle.

Parmi elles, on trouve six terres rares qui se trouvent dans les lampes basse consommation — lanthane, cérium, europium, terbium, gadolinium et yttrium.

C’est d’ailleurs dans cette unité industrielle que deux chercheurs ont trouvé le procédé permettant de les recycler, qui est devenu le projet baptisé Coléop’terre.

« Au prix pratiqué avant les années 2008, le procédé n’était pas suffisamment compétitif pour être développé sur le plan industriel », indique Frédéric Fournet, directeur de l’usine de La Rochelle.

PÉKIN A RESTREINT SES EXPORTATIONS

Mais la situation a changé car la Chine, qui possède environ 25% des réserves mondiales naturelles de terres rares et détenait 98% du marché mondial, a depuis 2009 peu à peu fermé des sites de production et instauré des quotas d’exportation.

Les dirigeants chinois ont ainsi voulu mettre fin aux excès d’un processus qui impliquait une surexploitation des ressources avec une assez faible valeur ajoutée sur leur territoire.

Avant que Solvay-Rhodia ne se lance dans le recyclage, les poudres luminophores se retrouvaient à la décharge.

Le savoir-faire du chimiste et un investissement de 15 millions d’euros ont permis au projet de se concrétiser en 2012, sur les sites de Saint-Fons (Rhône), près de Lyon, et de La Rochelle, où les terres rares sont valorisées.

L’unité rochelaise traite les poudres conditionnées dans l’usine de Saint-Fons, d’où elles sont expédiées en sachets. Avant l’intervention de Solvay, des sociétés spécialisées du monde entier collectent les lampes, en valorisent le verre dont elles sont constituées à 88%, les plastiques, le mercure et les métaux, et envoient les poudres vers l’usine du Rhône.

« Saint-Fons fait un premier tamisage pour éliminer la silice (verre), et ensuite une première opération chimique qui permet de démercuriser la poudre de manière significative. A La Rochelle, nous opérons deux étapes chimiques pour séparer encore les terres rares », indique Frédéric Fournet.

Au bout d’un processus complexe, les terres rares vont être séparées pour un taux de recyclage de l’ordre de 80%.

LE DÉBUT D’UNE AVENTURE

« Le recyclage est un des piliers de notre propre approvisionnement, de notre rentabilité car cela nous permet d’accéder à des prix en dessous de ceux du marché, et il nous permet d’effectuer un travail à façon sur des terres rares impures apportées par des clients », ajoute le directeur.

Dans une usine qui produit 10.000 tonnes de terres rares chaque année pour un marché mondial de 150.000 tonnes, le recyclage représente encore de petites quantités.

« Nous sommes au début du recyclage mais à terme notre objectif est qu’il représente 50% de nos activités de l’électronique », précise le dirigeant.

« Nous sommes dans le top trois mondial sur nos marchés qui concernent la dépollution automobile (produits entrant dans le système catalytique sur les lignes d’échappement-NDLR), et bien sûr l’électronique, notamment l’éclairage des écrans LCD et des téléphones, les vibreurs des téléphones et les micro-condensateurs, et enfin le polissage des micro-composants électroniques », assure Frédéric Fournet.

L’aventure n’en est qu’à son début. Des procédés de recyclage de terres rares s’appliquant à d’autres produits sont à l’étude au sein de la division recherche et développement de La Rochelle, qui emploie 30 chercheurs sur un effectif global dans l’usine de 376 salariés.

Etat du recyclage des terres rares et des métaux stratégiques

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Cas des lampes fluo-compactes :

Pour les lampes fluo-compactes la situation est quelque peu différente puisque l’entreprise Rhodia (groupe Solvay) est en train de mettre en place une filière de recyclage de six terres rares contenues dans les lampes fluo-compactes (lanthane, cérium, terbium, yttrium, europium et gadolinium). Cette opération est réalisée sur deux sites, le premier étant chargé d’extraire les terres rares des poudres luminophores, le second étant chargé de leur retraitement.

Recyclage made in France des terres rares

 Le chimiste Solvay s’est lancé en 2012 dans le recyclage à grande échelle de terres rares. Une activité stratégique qu’il réalise dans l’Hexagone avec des technologies exclusives.

Prenez une toile de maître recouverte de pigments de couleurs. Imaginez devoir les séparer et les rassembler en tas, par couleurs. Un travail titanesque ! C’est, en quelque sorte, le défi relevé par Solvay. Le chimiste s’est lancé dans le recyclage des terres rares, ces 17 métaux utilisés dans des applications de haute technologie pour leurs performances en matière de luminescence et de magnétisme. Leurs caractéristiques physico-chimiques étant très semblables, les diviser pour les réutiliser tient de la gageure!

Solvay a lancé trois projets qui visent à extraire les terres rares puis à les séparer pour les revendre aux fabricants de trois types de produits : les batteries NiMH (nickel-métal-hydrure) des véhicules hybrides, les aimants, et les lampes à basse consommation. Les recycleurs collectent les produits concernés et fournissent au chimiste belge les mélanges de terres rares. Après séparation, ce dernier les vend aux fabricants d’équipements selon leurs besoins. L’objectif de Solvay ? Que le recyclage fournisse, suivant les terres rares, de 5% à 50% de ses ventes. Pour y parvenir, le groupe a mis au point un procédé de séparation en plusieurs étapes, inédit et protégé par des brevets maison.

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ÉQUIPEMENT LOURD EXISTANT

Et si le chimiste a pu se lancer aussi vite, c’est qu’il avait à sa disposition des équipements ad hoc sur son site de La Rochelle (Charente-Maritime), mis sous cocon depuis plusieurs années. Ils datent de l’époque où Rhodia – avec lequel Solvay a fusionné il y a un an – traitait les terres rares importées de Chine. Quelques dizaines de millions d’euros ont été nécessaires pour « réveiller » et adapter ces installations au recyclage. C’est là qu’est installée la technologie phare : des batteries d’extraction liquide-liquide disposées en séries sur des dizaines de mètres. Grâce à l’emploi d’une palette de solvants, cet équipement lourd sépare successivement les terres rares en jouant sur leurs degrés de solubilité.

Le process nécessite de grandes quantités d’eau et d’acides. C’est là son principal défaut : la séparation des terres rares peut avoir un impact sur l’environnement et la santé. Solvay assure avoir disposé tout au long du cycle des systèmes de traitements des effluents liquides, grâce à une station d’épuration, et des évents gazeux, à l’aide d’une colonne de lavage et d’absorption. Hitachi, l’un des concurrents nippons du chimiste, expérimente une technique d’extraction du néodyme et du dysprosium par voie sèche, censée être moins polluante.

La filière des lampes à basse consommation et des néons a nécessité un process de traitement supplémentaire en amont : les poudres luminophores sont d’abord acheminées sur le site de Saint-Fons (Rhône), au coeur de la vallée de la chimie. Un atelier de production y a été modernisé afin d’éliminer les résidus de verre et de mercure. Leur extraction des poudres luminophores est assurée grâce à une hotte d’aspiration et à des tubes de charbon actif. Cette étape suscite malgré tout des inquiétudes chez certains représentants syndicaux. « La sécurité du personnel et le traitement des effluents représentent la moitié de l’investissement total », rassure Frédéric Carencotte, le directeur industriel de la division terres rares chez Solvay.

Protégé par deux brevets, le process de Saint-Fons a nécessité 15 millions d’euros d’investissements. La poudre de terres rares encore mélangées est ensuite transportée à La Rochelle pour subir la séparation proprement dite. Le process mis en oeuvre par le groupe belge permettra très vite d’atteindre des capacités de production de 5 000 tonnes de terres rares par an. Un chiffre supérieur aux quotas annuels d’environ 3 000 tonnes alloués à Solvay par la Chine, qui contrôle d’une main de fer 95% de la production mondiale (130 000 tonnes).

 

SÉCURISER LA COLLECTE

Pour maintenir à flots ce recyclage, la sécurisation et le développement des filières d’approvisionnement demeurent le principal enjeu. Pour chaque filière, Solvay a dû se tourner vers des recycleurs spécialisés. Umicore collecte des batteries, les fond à très hautes températures et fournit les terres rares. De son côté, Récylum collecte des lampes à basse consommation, sépare le plastique, les métaux et l’électronique et de la poudre qui contient, outre les terres rares, des traces de verre et de mercure.

Solvay est ainsi parvenu à diversifier ses sources d’approvisionnement en terres rares. « Nous avons été surpris par la baisse brutale des quotas d’exportation chinois en 2010, explique Gilles Auffret, membre du comité exécutif du groupe. Si nous constatons un retour à la normale, aucun de nos clients ne peut souffrir de problème d’approvisionnement et de volatilité des prix. » De futures filières pourraient voir le jour rapidement, en particulier pour les écrans LCD, les aimants de disque durs et, pourquoi pas, les batteries des Autolib’, les voitures électriques en libre-service à Paris.