Etat du recyclage des terres rares et des métaux stratégiques

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Cas des lampes fluo-compactes :

Pour les lampes fluo-compactes la situation est quelque peu différente puisque l’entreprise Rhodia (groupe Solvay) est en train de mettre en place une filière de recyclage de six terres rares contenues dans les lampes fluo-compactes (lanthane, cérium, terbium, yttrium, europium et gadolinium). Cette opération est réalisée sur deux sites, le premier étant chargé d’extraire les terres rares des poudres luminophores, le second étant chargé de leur retraitement.

Recyclage made in France des terres rares

 Le chimiste Solvay s’est lancé en 2012 dans le recyclage à grande échelle de terres rares. Une activité stratégique qu’il réalise dans l’Hexagone avec des technologies exclusives.

Prenez une toile de maître recouverte de pigments de couleurs. Imaginez devoir les séparer et les rassembler en tas, par couleurs. Un travail titanesque ! C’est, en quelque sorte, le défi relevé par Solvay. Le chimiste s’est lancé dans le recyclage des terres rares, ces 17 métaux utilisés dans des applications de haute technologie pour leurs performances en matière de luminescence et de magnétisme. Leurs caractéristiques physico-chimiques étant très semblables, les diviser pour les réutiliser tient de la gageure!

Solvay a lancé trois projets qui visent à extraire les terres rares puis à les séparer pour les revendre aux fabricants de trois types de produits : les batteries NiMH (nickel-métal-hydrure) des véhicules hybrides, les aimants, et les lampes à basse consommation. Les recycleurs collectent les produits concernés et fournissent au chimiste belge les mélanges de terres rares. Après séparation, ce dernier les vend aux fabricants d’équipements selon leurs besoins. L’objectif de Solvay ? Que le recyclage fournisse, suivant les terres rares, de 5% à 50% de ses ventes. Pour y parvenir, le groupe a mis au point un procédé de séparation en plusieurs étapes, inédit et protégé par des brevets maison.

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ÉQUIPEMENT LOURD EXISTANT

Et si le chimiste a pu se lancer aussi vite, c’est qu’il avait à sa disposition des équipements ad hoc sur son site de La Rochelle (Charente-Maritime), mis sous cocon depuis plusieurs années. Ils datent de l’époque où Rhodia – avec lequel Solvay a fusionné il y a un an – traitait les terres rares importées de Chine. Quelques dizaines de millions d’euros ont été nécessaires pour « réveiller » et adapter ces installations au recyclage. C’est là qu’est installée la technologie phare : des batteries d’extraction liquide-liquide disposées en séries sur des dizaines de mètres. Grâce à l’emploi d’une palette de solvants, cet équipement lourd sépare successivement les terres rares en jouant sur leurs degrés de solubilité.

Le process nécessite de grandes quantités d’eau et d’acides. C’est là son principal défaut : la séparation des terres rares peut avoir un impact sur l’environnement et la santé. Solvay assure avoir disposé tout au long du cycle des systèmes de traitements des effluents liquides, grâce à une station d’épuration, et des évents gazeux, à l’aide d’une colonne de lavage et d’absorption. Hitachi, l’un des concurrents nippons du chimiste, expérimente une technique d’extraction du néodyme et du dysprosium par voie sèche, censée être moins polluante.

La filière des lampes à basse consommation et des néons a nécessité un process de traitement supplémentaire en amont : les poudres luminophores sont d’abord acheminées sur le site de Saint-Fons (Rhône), au coeur de la vallée de la chimie. Un atelier de production y a été modernisé afin d’éliminer les résidus de verre et de mercure. Leur extraction des poudres luminophores est assurée grâce à une hotte d’aspiration et à des tubes de charbon actif. Cette étape suscite malgré tout des inquiétudes chez certains représentants syndicaux. « La sécurité du personnel et le traitement des effluents représentent la moitié de l’investissement total », rassure Frédéric Carencotte, le directeur industriel de la division terres rares chez Solvay.

Protégé par deux brevets, le process de Saint-Fons a nécessité 15 millions d’euros d’investissements. La poudre de terres rares encore mélangées est ensuite transportée à La Rochelle pour subir la séparation proprement dite. Le process mis en oeuvre par le groupe belge permettra très vite d’atteindre des capacités de production de 5 000 tonnes de terres rares par an. Un chiffre supérieur aux quotas annuels d’environ 3 000 tonnes alloués à Solvay par la Chine, qui contrôle d’une main de fer 95% de la production mondiale (130 000 tonnes).

 

SÉCURISER LA COLLECTE

Pour maintenir à flots ce recyclage, la sécurisation et le développement des filières d’approvisionnement demeurent le principal enjeu. Pour chaque filière, Solvay a dû se tourner vers des recycleurs spécialisés. Umicore collecte des batteries, les fond à très hautes températures et fournit les terres rares. De son côté, Récylum collecte des lampes à basse consommation, sépare le plastique, les métaux et l’électronique et de la poudre qui contient, outre les terres rares, des traces de verre et de mercure.

Solvay est ainsi parvenu à diversifier ses sources d’approvisionnement en terres rares. « Nous avons été surpris par la baisse brutale des quotas d’exportation chinois en 2010, explique Gilles Auffret, membre du comité exécutif du groupe. Si nous constatons un retour à la normale, aucun de nos clients ne peut souffrir de problème d’approvisionnement et de volatilité des prix. » De futures filières pourraient voir le jour rapidement, en particulier pour les écrans LCD, les aimants de disque durs et, pourquoi pas, les batteries des Autolib’, les voitures électriques en libre-service à Paris.

Le recyclage des terres rares, un enjeu stratégique

Elles font aujourd’hui partie des métaux les plus précieux. Les terres rares, ce groupe de 17 minerais qui se nomment terbium, néodyme ou yttrium, s’avèrent très convoitées car indispensables à la production de la plupart des produits de haute technologie — ordinateurs, téléphones portables, écrans plats, éoliennes ou batteries des voitures électriques

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Contrairement à ce que laisse entendre leur nom, elles ne sont pas si rares, puisqu’il existe de nombreux gisements de par le monde, mais leurs stocks sont finis et leur extraction est difficile, coûteuse et extrêmement polluante. Surtout, elles sont le monopole de la Chine, qui détient 37 % des réserves mondiales mais contrôle 97 % de leur exploitation et réduit chaque année les quotas d’exportation. Or, la demande mondiale augmente chaque année de 6 %, mettant le marché sous pression.

L’enjeu, aujourd’hui, est donc pour les pays de sécuriser leur approvisionnement à des prix raisonnables et limiter l’impact de la raréfaction des terres rares au niveau mondial. Trois moyens existent : réduire leur utilisation, diversifier les sources en exploitant des mines en dehors de la Chine et recycler ces minerais.

 C’est la troisième piste que cherche à développer la France, qui ne possède aucune mine de terres rares. Début 2012, le groupe chimique Rhodia rendra ainsi opérationnel, dans son usine de La Rochelle, un nouveau procédé, sur lequel il travaille depuis dix ans, permettant de recycler ces métaux.

L’objectif sera, dans un premier temps, de réutiliser les poudres luminophores qui recouvrent l’intérieur des lampes basse consommation (LBC) et qui contiennent plusieurs terres rares : terbium, yttrium, europium, gadolinium, lanthane et cérium. Pour l’instant, cette poudre est isolée et mise en décharge, lorsque les ampoules arrivent en fin de vie, alors que le reste des composants – verre, plastique, cuivre et aluminium – sont valorisés. Or, le terbium et l’yttrium font partie des terres rares les plus difficiles à trouver, les plus demandées et donc les plus chères (le terbium a ainsi vu son prix passer de 600 à 4 000 dollars le kilo en seulement deux ans). Au rythme actuel de consommation, leur approvisionnement sera critique d’ici 2014, estime, dans un rapport, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie.

« Grâce à ce nouveau procédé de récupération et de séparation des terres rares, il sera possible d’extraire 17 tonnes de ces minerais, dont 15 tonnes d’yttrium, 1 tonne de terbium et 1 tonne d’europium, sur les 4 000 tonnes de lampes fluocompactes que nous recyclons », détaille Hervé Grimaud, directeur général de Récylum, l’éco-organisme en charge de l’élimination des lampes usagées. Et cette quantité pourrait considérablement augmenter si les LBC étaient davantage triées. Car aujourd’hui, seulement un tiers de ces lampes sont ramenées dans les 19 000 points de collecte que compte le territoire.

Pour augmenter ce taux de recyclage, Récylum a réalisé une opération de communication, ce lundi 17 octobre, en érigeant un faux chantier d’exploitation minière en plein cœur du quartier d’affaires de La Défense. Une mine urbaine qui s’est avérée être, une fois les barrières tombées, une boîte géante pour recycler les lampes basse consommation. Le message est clair : le plus grand gisement de métaux rares qui existe en France se trouve aujourd’hui dans nos bureaux. Une fois récupérés, les débouchés de ces minerais seront les mêmes qu’actuellement : la catalyse automobile, l’industrie verrière, les alliages métalliques, lampes ou aimants permanents.

Après la mise en place de cette filière pour les lampes, ce sera au tour des terres rares contenues dans les batteries rechargeables et les aimants des voitures électriques et des disques durs de pouvoir être recyclées, sans doute au cours de l’année 2012.

Une question se pose toutefois : le recyclage, s’il est nécessaire, sera-t-il suffisant pour faire face à la demande galopante des pays développés ? « Non, le recyclage ne pourra remplir qu’une petite partie de la demande en terres rares dans les années à venir », assure John Seaman, chercheur à l’Institut français des relations internationales, spécialiste de la politique énergétique en Chine et des terres rares. Car si les lampes fluocompactes utilisent des quantités infimes de terres rares, il n’en est pas de même pour d’autres produits technologiques. Un moteur de Prius nécessite par exemple 1 kilo de néodyme pour ses aimants. Les éoliennes offshore, elles, consomment 600 kilos par turbine pour améliorer leur fonctionnement tout en diminuant les coûts de maintenance.

« Il faut donc, dans le même temps, trouver des approvisionnements en dehors de la Chine, utiliser ces minerais de façon plus efficace et leur trouver des substituts », précise le chercheur. C’est pourquoi des entreprises commencent à développer des alternatives à l’utilisation de terres rares. Dans le secteur automobile, Toyota cherche ainsi à développer pour ses voitures hybrides, un moteur à induction sans aimant. Dans l’énergie, General Electrics a annoncé en août la mise en place d’une turbine pour éolienne moins gourmande en terres rares. Mais ces produits sont encore loin de voir le jour.